COLLABORATION with :
ROLAND SALESSE, neurobiologist of olfaction (INRA)
MARINE LEGRAND, anthropologist and writer
Where hope still buds
Photographic and olfactive installation
2023
Le soleil, la forêt.
COLLABORATION avec :
ROLAND SALESSE, neurobiologiste de l'olfaction (INRA)
MARINE LEGRAND, anthropologue et écrivaine
LÀ OÙ L’ESPOIR BOURGEONNE ENCORE
Installation photographique et olfactive
2023
Close your eyes. Think back over the days you lived on Earth. Is there a scent from your memories that brings you joy? Or rather. Is there a scent with the power to immerse you in the past and bring you joy?
Yes ? Then...
Name this scent. For example: myrrh, wax, leather, or why not ... swamp water! Write a short text about it in the second person singular. As if you are writing to yourself, from the past of this scent, engraved in you. Choose three colours from the colour chart you could associate with the joy of this smell.
Finally, let the joy blossom endlessly within you.
It is via this protocol participants confide in us an olfactory memory associated with a moment of joy. Combining neurology, olfactory and photographic experiences, this installation invites visitors to breathe in a palette of smells of joy, shared in a gesture of transformation, resistance and hope.
Fermez les yeux. Revenez sur le fil des jours que vous avez passé sur Terre. Y a t-il une odeur qui, puisée de vos souvenirs, vous amène la joie ? Ou bien, plutôt. Y a t il une odeur qui a le pouvoir de vous plonger au loin dans le fil de vos jours, et de vous en ra- mener de la joie ?
Oui ? Alors...
Nommez cette odeur. Par exemple : la myrrhe, la cire, le cuir, ou pourquoi pas ...l’eau d’un marais !
Ecrivez, à son propos, un court texte à la deuxième personne du singulier. Comme si vous vous adressiez à vous même, depuis le passé de cette odeur, inscrite en vous. Choisissez dans le nuancier trois couleurs que vous pourriez associer à la joie de cette odeur.
Pour finir, laissez la joie bourgeonner en vous, à l’infini.
C’est portés par ce protocole que les participants et participantes nous ont confié un souvenir olfactif associé à un moment de joie. Associant art contemporain et neurologie, expériences olfactives et photographiques, cette installation, à respirer, rassemble leurs dons dans une palette olfactive partagée dans un geste de transformation, de résistance et d’espoir.
« Odeur des pluies de mon enfance.
Derniers soleils de la saison !
À sept ans, comme il faisait bon
Après d’ennuyeuses vacances
Se retrouver dans sa maison ! »
Tu as appris ce poème de René Guy Cadou quand tu étais enfant, à l’école primaire, et tu le sais encore par cœur aujourd’hui, et il résonne encore, de bien des façons. A cette époque la rentrée des classes se faisait plus tard, vers fin septembre, début octobre, à l’automne déjà commencé. Les sous- bois sentaient alors plus fort,cela sentait, à cause de la terre, de tous ces petits chapeaux nichés au pied des troncs, à cause de l’humidité et d’un reste de chaleur. De ce mélange émanait une joie, pas une joie exubérante, comme on explose, mais plutôt simple et profonde, un sentiment de pléni- tude enfantine. Aujourd’hui encore, manger une de ces fricassées, orangée ou tirant vers le fauve, le brun, après la cueillette, fait revivre tout cela.
Aveuglement du nez et de la bouche. Depuis quelques jours, plus rien ne te parvient. La nourriture se réduit à l’acide, au sucré, au salé, à l’amer. L’air a perdu toutes ses textures.Le rhume et son pouvoir d’éteindre les sens primitifs te tiennent alors à leur merci.
Enfin, ce matin, la congestion s’estompe. Réveil du corps aux atmosphères du dehors.
Dans la cuisine faiblement éclairée par la nuit qui finit, tu t’avances et sur le comptoir, voici un fruit d’hiver. Rond comme une pomme mais plus grumeleux. Il t’appelle. Tu le saisis. Le coupes, le presses.
Portes le verre à ta bouche, les doigts pelliculés d’essences odorantes et des restes de son épiderme....
Tu ne retrouveras jamais la saveur extraordinairement vivante de ce que tu as bu.
C’était comme boire l’aube, boire le soleil levant.
Tu montes, doucement. Je finis d’ouvrir le tiroir garni de foulards bien repassés. Tu continues à grimper. Tu sors de la commode, laisses derrière toi la mince odeur du bois.
Tu te déplies, te dresses, rayonnes. Tu grandis avec des éclats de rire. Ton regard gris-vert me câline.
La tendresse de ta peau se pose sur ma joue.
À mon tour, je flotte, j’ondule. Je danse avec toi. La danse des retrou- vailles. Danse à la joie folle, intense, aussi puissante que toi qui imprègnes ce rectangle de soie rangé dans le tiroir. Toi, le parfum fort, concentré, alcoolisé, que ma mère portait lors- qu’elle était en vie.
Mi ombre, mi soleil. Au lever du jour, tu guettes la transformation de l’air. Du sol d’un sous-bois clair et sec de pins sylvestres, cela s’élève librement vers l’atmosphère, raréfiée à cette altitude. S’entremêlent les odeurs dynamiques de la fraîcheur du petit matin et celles plus douces du soleil qui pointe son nez. Tout cela te ravit, la journée sera belle. Tu éprouves le moelleux du tapis d’aiguilles mêlées de mousses. Vue sur des épilobes en épi à quelques mètres de là.
Être tous ensemble.
This photographic and olfactory installation is rooted in a project developed with anthropologist and writer Marine Legrand entitled The Call to Tears. This participatory and collective approach invited to collect our tears in the face of the sterile processes underway, to mourn the living world that is disintegrating before our eyes, and to try to escape denial. By giving shape to the painful tangles of our present, we sought to 'sublimate' our pain and fear into the power to act in return. Each meeting revolved around a question: what is it that we are struggling with? What helps us to hold on? What brings us joy? The words collected during the last part of these encounters form the basis of this new installation, composed around eleven states of joy, evoked by their smells.
This proposal is based on the power of transmitting a sensitive and olfactory experience. While human communication is based on language and gestures, the sense of smell also plays an important role in transmitting emotional states. By observing variations in facial expressions and visual activity, researchers have noticed a phenomenon of "emotional propagation" between different people, thanks to olfaction.
In this way, the smell of sweat emitted by a person in the grip of fear is enough to elicit in us a reaction associated with that same state. The same phenomenon can be observed with feelings of disgust. But what about the emotions of light? In this installation, visitors will be invited to explore the transmission range of a state of joy conveyed by a smell.
Cette installation photographique et olfactive prend racine au cœur d’un projet développé avec l’anthropologue et écrivaine Marine Legrand intitulé L’appel au Larmes. Cette démarche participative et collective invitait à recueillir nos larmes face aux processus stériles en cours, à pleurer le monde vivant qui se désagrège sous nos yeux, à tenter d’échapper au déni. En donnant forme aux douloureux enchevêtrements de notre présent, nous cherchions ainsi à "sublimer" nos peines et nos peurs en puissances d’agir en retour. Chaque rencontre s'est déroulée autour d'une question : qu'est-ce qui nous heurte ? Qu'est-ce qui nous aide à tenir bon ? Qu'est-ce qui nous apporte de la joie ? Les paroles recueillies durant le dernier volet de ces rencontres forment le soubassement de cette nouvelle installation, ainsi composée autour onze états de joie, évoqués par leurs odeurs.
Cette proposition s’appuie sur la puissance de transmission d’une expérience sensible et olfactive. De fait, si la communication chez les humains s’appuie sur le langage et les gestes, l’odorat joue également un rôle important dans la transmission des états émotionnels. Ainsi, en observant les variations d’expressions faciales et d’activités visuelles, des chercheurs * ont remarqué un phénomène de “propagation d’émotions” entre différentes personnes, grâce à l’olfaction.
De cette manière, l’odeur de la sueur émise par une personne en proie à la peur suffit à susciter chez nous une réaction associée à ce même état. Le même phénomène peut être observé quant aux sentiments de dégoût. Qu’en est-il des émotions lumineuses ? Les visiteurs seront conduits dans cette installation à explorer l’amplitude de transmission d’un état de joie porté par une odeur.
Joy is a technique of resistance.
La joie est une technique de résistance.
Paul b. Preciado
A production by La Science de l'Art & Curiositas.
Our thanks to the Exploradöme team, the 1651 Ouest company and Célia Danielou, as well as to all those who took part in the project and whose memories are recounted here.